Intervention de David Payot à la Conférence de Presse du Collectif R au refuge de l’église de Mon-Gré le 21 septembre 2016

Si j’interviens ici, c’est à titre de parrain. Je ne me suis pas impliqué au sein du Collectif R ; j’en profite pour remercier les personnes qui s’impliquent sur le terrain. En tant que parrain, je rappelle avoir justement accueilli une personne qui était assignée à résidence par la justice de paix. Cette personne a choisi de retourner à son lieu d’assignation, dans un centre d’Orbe, et y a été interpellée puis renvoyée en Italie le 21 mars. Cela vaut la peine de le rappeler, pour montrer que si nous intervenons ici, ce n’est à mon avis pas pour nous plaindre des dérangements matinaux causés par la police, mais pour témoigner de la menace d’expulsion permanente qui touche les « cas Dublin ».

Si je n’ai pas eu d’implication dans les actions du Collectif R, je me suis impliqué durant les années 2000 à 2006 avec En 4 Ans On Prend Racine et la Coordination Asile. Vu de cette perspective, la situation actuelle montre de multiples durcissements, qui n’ont pas réussi pour autant à diminuer la présence globale des demandeurs d’asile. Ces durcissements ont d’abord pris la forme d’interdictions de travail, dès qu’une décision négative tombait, et qui ont empêché l’intégration professionnelle des personnes concernées. S’y est ajouté l’exclusion de l’aide sociale et le développement de l’aide d’urgence, comme moyen de pression supplémentaire. L’effet est surtout de pousser les demandeurs d’asile à disparaître dans la clandestinité. Les statistiques suisses de l’asile leur attribue l’euphémisme de « départ non contrôlé », au nombre de 5’000 chaque année. Le système Schengen-Dublin s’est ajouté, qui prévoit que les demandes d’asile sont traitées dans le premier pays de passage des réfugiés. Ce système est aujourd’hui dans une impasse, puisque les pays de la Méditerranée se trouveraient à assumer la quasi-totalité des réfugiés européens, alors qu’ils sont aussi les pays qui en ont le moins les moyens. Deux chiffres parus ces jours dans les médias montrent la disproportion que cela implique : la Grèce a vu un million de migrants transiter sur son territoire. Pendant le même temps, Amnesty International rappelle à la Suisse son engagement d’accueillir 1’500 réfugiés syriens, engagement qui n’a toujours pas été tenu.

En une décennie, on assiste donc au développement d’un système de dissuasion, qui n’a pas empêché l’afflux de réfugiés, parce qu’il a avant tout des causes géopolitiques, aussi bien pour les réfugiés actuels du Moyen-Orient que pour les réfugiés des Balkans, il y a une quinzaine d’années. Malgré tout, on voit la Confédération faire pression sur les cantons pour accélérer les renvois ; et les arrestations en marge d’une manifestation publique ou les interventions de police au domicile des parrains et marraines ressemblent fort à une démarche d’intimidation pour répercuter la pression sur les mouvements.

Parmi les souvenirs que j’ai de la Coordination asile, il y a notamment son début, en août ou septembre 2004. A ce moment, un document de police avait fait l’objet d’une fuite ; il annonçait des descentes de police groupées chez plusieurs requérants déboutés. La diffusion de ce document et l’engagement citoyen qui avait suivi a permis l’organisation d’un mouvement, et la régularisation de quasi tous les 523 déboutés. Les interventions de police actuelles me rappellent cette période, et il me paraît normal d’être à cette conférence de presse aujourd’hui.

A mon sens, il faut défendre que la venue de réfugiés dénote un problème global, et que l’on ne peut pas appliquer les accords de Dublin automatiquement, sans examiner les conditions d’accueil dans les pays où l’on renvoie les gens. Notre rôle est de faire remonter aux autorités cantonales et fédérales la réalité que l’on rencontre. Je remercie les requérants venus témoigner aujourd’hui, les membres du Collectif R qui s’impliquent à leur côté, et je pense que les villes doivent aussi faire remonter la réalité qu’elles rencontrent, dans leurs rues, dans les écoles, en lien avec cette politique.