Contrairement à ce que de nombreux médias ont affirmé après les élections fédérales, de nombreux jeunes ne votent pas pour l’UDC et choisissent même l’extrême opposé de l’échiquier politique. Rencontre avec trois d’entre eux.

Suite au virage très à droite de ces dernières élections fédérales, les médias se sont penchés sur la question du vote des jeunes. Avant le 18 octobre, on parlait d’eux comme des grands absents de ce scrutin, or aujourd’hui on nous explique que, certes, ils se sont peu mobilisés, mais qu’en plus ils se retrouvent dans les idées de l’UDC. Ces jeunes se tournent vers un repli identitaire, expriment leurs craintes quant à l’afflux massif de réfugiés, qui pourrait amener insécurité et pertes de travail, et critiquent aussi l’influence néfaste qu’a l’Union Européenne sur notre pays. Ils affirment avoir été séduits par les slogans chocs et le petit clip musical en suisse-allemand.

Donc selon les sondages, les jeunes ont voté en nombre pour la politique marketing de l’extrême droite, au discours simpliste et populiste. Pourtant certains s’engagent à défendre des valeurs totalement opposées à celles du premier parti de Suisse. C’est le cas de trois jeunes militants du POP que nous avons rencontré

«Le premier parti des jeunes est celui de l’abstention!»

Jordan Willemin, 21 ans, étudiant à l’EPFL, est engagé depuis deux ans et demi au POP et s’est dernièrement présenté aux élections cantonales jurassiennes sur la liste CS-POP. Il a rejoint le POP car celui-ci veut rompre avec le capitalisme.

«Les inégalités n’ont jamais été aussi grandes et de trop nombreuses personnes vivent dans la pauvreté», s’indigne-t-il. Il regrette aussi que dans les débats actuels, on parle toujours en termes financiers, mais jamais de bien-être des gens. Selon lui, «la société devrait offrir un travail émancipateur, qui devrait plutôt servir l’employé que les profits de l’employeur et des actionnaires».

Le militant ne croit pas au fait que les jeunes se soient massivement mobilisés en faveur de l’UDC. Il rappelle en effet que le premier parti qu’ils ont soutenu est celui de l’abstention! «Les jeunes ne se sentent pas représentés par ce système politique, car ils voient bien que la démocratie bourgeoise n’a pas été faite pour eux, mais pour servir l’intérêt des grands capitalistes. Et sur ce sujet, la gauche radicale n’arrive malheureusement pas à proposer une alternative pour l’instant».

Quant à la logique du repli identitaire dans laquelle certains s’enferment, sa réponse est claire: «Il faut rappeler que la xénophobie est un outil du capitalisme pour justifier des interventions armées à l’étranger qui apportent de nouveaux marchés aux entreprises, et permet aussi d’éviter l’union des travailleurs contre les patrons»,estime-t-il. Et d’ajouter que «les vrais responsables, ne sont pas les étrangers ou les personnes à l’aide sociale, mais le système!»

Combattre le repli identitaire par l’éducation populaire

Camille Vuillème 21 ans, apprentie constructrice de bateaux, a repris la présidence des Jeunes POP Neuchatelois depuis cette année.

«Je crois qu’un système plus égalitaire est possible et même nécessaire. Il faut convaincre le peuple qu’il a son rôle à jouer dans l’organisation de sa vie, de son pays, de ce monde.» Voilà, entre autres, pourquoi elle a rejoint le POP, affirme-t-elle. Elle non plus ne croit pas au vote des jeunes pour l’UDC, mais parle du désintérêt généralisé de la population par rapport à la politique, qui mène à un taux d’abstention élevé. «Si, dans la part des jeunes qui vote, un certain nombre choisit l’UDC, c’est certainement grâce au fort pouvoir médiatique de ce parti et aux réponses simplistes qu’il propose, qui ne demandent aucune remise en question d’un système qui nous broie», estime-t-elle.

Enfin, quand on évoque le repli identitaire des jeunes, elle rétorque: «Il y a toujours eu des replis identitaires et la seule façon de les combattre, c’est l’éducation populaire. En effet, il est facile d’accuser le plus pauvre ou celui que l’on ne connaît pas, beaucoup plus simple que de remettre en question nos médias, nos patrons ou notre gouvernement. Je pense que c’est justement le rôle d’un parti comme le nôtre de promouvoir et d’appliquer une éducation critique et ouverte à tous»

Jean-Luc Mélenchon comme modèle

Luca Schalbetter, 16 ans, apprenti employé de commerce chez Unia, milite au sein des Jeunes POP Vaud depuis quelques mois. C’est clairement le plus jeune militant du POP vaudois, mais il est doté d’une impressionnante maturité. «J’aurais pu prendre le chemin de l’ambition et du pouvoir, j’ai décidé de prendre celui des convictions et du combat social. Je me battrai toute ma vie pour ceux qui créent réellement la richesse mais qui n’en récoltent que des miettes: les travailleurs».

Cet ancien jeune vert a rejoint la gauche radicale car les écologistes n’étaient plus assez à gauche à ses yeux. Il affirme même que «les Verts d’Ueli Leuenberger sont à des années lumière des Verts d’Adèle Thorens, qui fait virer le parti vers une tendance de plus en plus centriste». Quoi de plus normal que de rejoindre le POP, quand on a pour modèle Jean-Luc Mélenchon et qu’on a regardé la quasi-totalité de ses discours qui circulent sur le net! «Face aux attaques frontales contre nos acquis sociaux, notre pré- sence politique est indispensable pour rappeler que non, tout ne va pas aussi bien qu’on nous l’affirme. Nous nous devons d’être les porte-voix organisés des plus précaires et des plus faibles, ceux qu’on laisse au bord du chemin, ceux que nous n’entendons jamais. Il est indispensable de bâtir une société dans laquelle chacun trouve sa place.»

Aux jeunes qui choisissent la droite nationaliste, il leur dit: «Mieux vaut se baser sur une conscience de classe plutôt que s’attacher à un passeport». Et de conclure en rappelant que les médias ne sont pas neutres et jouent un dans le rôle dans la montée du populisme d’extrême droite.

Extrait de Gauchebdo du 27 novembre 2015, Christophe Grand