L’arrivée de la société Uber dans la région lausannoise a suscité des craintes, des débats et aussi un certain engouement. La particularité des services qu’elle offre est d’être, de prime abord, difficile à classer et à appréhender dans les cadres habituels. Cette modernité semble parfois lui assurer une large sympathie… Pourtant, la jolie étiquette d’économie du partage est trompeuse : loin de promouvoir la mise en commun, Uber ne fait qu’introduire par les interstices des règlements une concurrence brutale à côté de laquelle les cas de sous-enchère salariale qui défraient la chronique dans le secteur de la construction font pâle figure. Uber, ce n’est ni le covoiturage ni le partage : c’est une multinationale basée aux Etats-Unis qui ne paiera jamais un centime d’impôt en Suisse, qui prélève une commission extrêmement élevée au regard des coûts du service qu’elle propose, et qui a fait la preuve du fait qu’elle est disposée à utiliser tous les moyens en sa possession, légaux et illégaux, pour s’établir sur de nouveaux marchés1 et établir un monopole au niveau mondial.

Le service uberPOP a été introduit à Lausanne début 2015. Proposé par une entreprise californienne par l’intermédiaire d’une filiale sise aux Pays-Bas2 , il consiste à mettre en relation des chauffeurs proposant un transport en voiture avec des utilisateurs. Uber insiste sur le fait qu’elle ne fournit pas à proprement parler le service de transport mais se contente de mettre en relation des particuliers entre eux.

Après avoit été toléré car considéré comme permettant un simple covoiturage et ne relevant pas de la réglementation sur les taxis, le système a été, début juin, réévalué par le Comité de direction de l’association intercommunale pour le service des taxis de la région lausannoise. Celui-ci considère désormais, selon le communiqué paru le 9 juin, que la fourniture de courses en voiture contre rémunération constitue un service de taxis et est donc soumis au règlement intercommunal. Il faut relever que cette décision ne relève pas d’un changement des bases légales ou règlementaires, mais simplement d’un changement dans la manière d’appliquer des dispositions existantes.

Du point de vue politique, pour les soussignés, il n’y a pas lieu, aujourd’hui de défendre ou de rejeter de nouveaux services de taxis dans l’absolu. En revanche, il est impératif que tous les acteurs du marché du transport de personnes soient soumis aux même règles. Celles-ci sont en pleine adaptation suite au jugement du Tribunal cantonal sur le trop faible taux de roulement des autorisations. D’autres points des dispositions applicables, en l’occurrence le règlement intercommunal sur le service des taxis (RIT), méritent cependant d’être revus et modernisés.

Par ailleurs, comme dans tous les secteurs d’activité, il y a lieu de protéger les travailleurs contre une sous-enchère salariale dont le système uberPOP fait, dans sa forme pratiquée à Lausanne au premier semestre 2015, clairement courir le risque. Enfin, l’impact sur la politique de mobilité et sur l’environnement de la politique menée dans les services de taxis doit être analysée.

Nous soussignés agirons pour améliorer la réglementation du service des taxis et l’application égale et équitable de ces règles selon les quatre principaux axes suivants :

1. Clarifications des règles : parmi les obligations pour obtenir un « carnet de conducteur de taxi » figure toujours la connaissance de la topgraphie locale, une exigence devenue obsolète avec la généralisation des moyens de guidage par GPS. De même, aujourd’hui, le titulaire d’un carnet de conducteur est censé le déposer spontanément en cas d’arrêt de son activité durant deux mois, une disposition qui mérite d’être réévaluée. Dans le sens inverse, on pourrait imaginer de renforcer la responsabilité des centrales par rapport à la couverture d’assurance dont il bénéficie. Cette responsabilité est aujourd’hui nulle. Or, le client qui commande une course par uberPOP ou une autre centrale peut croire qu’il sera couvert en cas d’accident. Ce n’est en fait pas le cas, puisqu’Uber précise dans ses conditions générales que ceci est « entièrement [de] la responsabilité du transporteur ».

2. Conditions de travail : les efforts en vue de la conclusion d’une convention collective globale dans le secteur des taxis apparaissent doivent se poursuivre même si la situation semble aujourd’hui difficile. Simultanément le règlement intercommunal doit, pour les prestations effectuées par les titulaires d’autorisation B et C, fixer des fourchettes de tarifs, et d’établir par ce biais des repère semblables aux « salaires usuels » utilisés pour définir la sous-enchère salariale dans les secteurs non conventionnés, dans le cadre des mesures d’accompagnement de la libre circulation des personnes. La proportion minimale du chiffre d’affaires revenant aux chauffeurs doit également être spécifiée.

3. Amélioration du fonctionnement de la centrale des taxis A : aujourd’hui, l’application smartphone de la centrale Taxi Services ne fonctionne pas aussi bien qu’on pourrait le souhaiter et doit être mise à jour. Il n’existe pas non plus de système permettant de payer en enregistrant une seule fois sa carte de crédit sur une site Internet, ou en chargeant à l’avance un compte personnel. Ces possibilités doivent être introduites, de même que des possibilités d’enregistrement de plaintes ou de suggestions d’amélioration.

4. Intégration des taxis dans la politique de mobilité et de l’environnement : le covoiturage au sens classique du terme peut contribuer à réduire le nombre de voitures stationnées et le trafic en ville. En augmentant l’offre de taxis à prix cassés c’est l’effet inverse qui se produira : une augmentation du trafic automobile et potentiellement une baisse de l’utilisation des transports publics. Un abaissement ciblé, par exemple pour les étudiants, des tarifs des transports en commun et un développement de leur offre sont de meilleures solutions que la création d’une nouvelle offre motorisée à prix cassés. Enfin, le système des autorisations en vigueur pour tous les taxis doit être modifié pour favoriser les véhicules propres et peu bruyants, voire rendre obligatoire le respect des meilleures normes environnementales pour les nouveaux véhicules, comme s’y engagent depuis des années les maires de nombreuses grandes villes.

 1 Voir notamment les cas avérés dans lesquels des agents travaillant pour Uber commandaient des courses chez une socié- té concurrente (Lyft) dans l’unique but de convaincre les chauffeurs de changer d’affiliation en faveur d’Uber.
2 « Uber Besloten venootschap », société domiciliée à Amsterdam, qui est aussi le for juridique de toute procédure qu’un client lausannois souhaiterait mener à l’encontre de la société (bonne chance).

POP-La Gauche, Parti socialiste lausannois & Les Verts lausannois