Par Christiane Jaquet, députée au Grand Conseil vaudois 

Il s’agit d‘une initiative qui se moque éperdument de la répartition inégale des richesses et des ressources pour se focaliser sur la limitation des étrangers en Suisse et pour promouvoir un néocolonialisme nauséabond hors de nos frontières.

 Les origines de l’association ECOPOP remontent à 1971. Elle était proche, à ses débuts tout au moins, des idées de Valentin Oehen, fer de lance des initiatives Schwarzenbach. Celui-ci attribuait les nuisances apportées à l’environnement à « l’explosion démographique liée à l’immigration ». Depuis lors, les idées n’ont guère changé dans ce mouvement.

L’initiative proclame « Halte à la surpopulation – Oui à la préservation durable des ressources naturelles ». La votation du 30 novembre propose un nouvel article constitutionnel 73a  qui signifie la limitation de l’accroissement de la population migratoire à 0,2% sur une moyenne de trois ans et exige l’affectation de mesures de planification familiale de 10% au moins, pris sur les moyens consacrés à la coopération internationale. Dans le seul but de protéger la nature.

Ecopop ne se prononce pas sur l’origine des immigrés, son seul souci étant la préservation des ressources naturelles et non pas les humains et leur mode de vie. Actuellement, l’immigration en provenance européenne est majoritaire. La limite proposée par Ecopop correspondrait à une acceptation de seulement 16’000 personnes nouvelles par année. Or, on constate que le domaine de la santé occupe plus de 130’000 migrants, dont 36% dans les seuls hôpitaux. Environ 54% des étrangers travaillent dans le secteur du nettoyage et l’hôtellerie ne saurait se passer des migrants qui ont accompli ces dernières années plus de la moitié du volume de ce travail. Quant à l’agriculture, elle dépend fortement de la main d’œuvre saisonnière de l’étranger. La proportion de travailleurs migrants y est d’environ 16%. Ecopop appelle ainsi explicitement à dénoncer les accords internationaux et empêcherait d’en conclure de nouveaux. En ce sens, l’initiative ne se contente pas simplement d’isoler la Suisse, mais elle veut l’inscrire dans la Constitution.

Certes, il est légitime de vouloir préserver durablement les ressources naturelles de la Suisse. Mais fixer une limitation numérique de l’immigration ne résout pas les problèmes, bien au contraire. Ce n’est pas le nombre d’humains en Suisse qui est la cause des soucis mais bel et bien les profits sans limites, le développement d’une économie débridée et les atteintes à la solidarité. L’initiative n’induit aucune utilisation plus efficace des ressources et n’a aucune influence sur le comportement quotidien des habitants de notre pays. Pour un réel changement, il vaudrait mieux favoriser la lutte contre la pauvreté, veiller à un partage équitable des richesses, mieux gérer le territoire, combattre son mitage, développer les nouvelles sources d’énergie, promouvoir une meilleure formation professionnelle et individuelle, améliorer des conditions permettant aux femmes d’exercer une profession mettant en valeur leur formation et surtout créer de nouvelles formes de vie sociale et solidaire. L’initiative et ses idéologues de l’espace vital proposent tout le contraire et se murent dans la xénophobie.

L’initiative comprend un autre défaut rédhibitoire sur la lancée de ses travers : imposer, nous pays riche, une planification familiale aux pays pauvres. Dans la pure tradition du colonialisme. Depuis 1970, le taux de croissance moyen de la population mondiale baisse continuellement. Il est passé de 2% à 1,1%. Il ne s’agit pas d’une question de taux de fécondité comme le suggère Ecopop. C’est le fruit d’une meilleure politique sanitaire, de la diminution de la mortalité infantile, de l’augmentation de la sécurité alimentaire, du développement de l’éducation des femmes, toutes conditions encore insuffisantes mais qui modifient peu à peu la pyramide des âges. La formation, l’égalité des chances pour les filles, la santé, la sécurité sociale et l’emploi sont efficaces. C’est dans ces domaines que l’aide suisse à la coopération contribue à l’amélioration des conditions de vie dans les pays pauvres.

Une manifestation pour rejeter l’initiative aura lieu le samedi 1er novembre à Berne. (si possible en gros)