ISD

En lançant cette initiative, nous poursuivons deux objectifs :

D’une part, il s’agit de réduire fortement le coût des soins dentaires dans le budget des salariés et d’autre part de lutter contre les effets médicaux dus à l’exclusion des soins dentaires de certaines couches de la population.

La création d’une assurance garantit l’accès équitable aux soins dentaires pour tous les Vaudois sans distinction.

 

Selon Pierre-Yves Maillard, chef du Département de la santé et des assurances sociales, la situation est alarmante: «les inégalités sociales jouent en plein et la santé dentaire des populations défavorisées du canton correspond à celle des habitants des pays en voie de développement» Pire: en amélioration constante jusqu’en 1994, la santé dentaire des enfants s’est pourtant dégradée depuis. Certaines habitudes alimentaires néfastes, stimulées par l’industrie des boissons sucrées, jouent un rôle, mais l’élément majeur réside, comme toujours, dans la détérioration de la situation des couches les plus pauvres de la population. Une étude parue dans la Revue médicale suisse (RMS, septembre 2009) a mis en évidence la discrimination sociale devant la maladie provoquée par la difficulté d’accès aux soins et à la prévention. Il existe ainsi un lien avéré entre le statut social et éducatif de la population et les risques de maladie parodontale (le parodonte désigne l’ensemble des tissus de soutien de la dent: os, gencives, ligament, nerfs, vaisseaux sanguins et cément de la racine). Ces personnes sont non seulement proportionnellement plus nombreuses à être touchées, elles le sont aussi plus souvent. Selon l’article de la RMS: «un lien direct existe entre position sociale défavorable et occurrence de la maladie». On peut aussi établir des corrélations entre le nombre de dents manquantes, le revenu et le niveau d’éducation.

Evidemment, le fait que les soins dentaires dépendent autant de la capacité financière de la personne est un immense frein à un accès équitable à des soins de qualité. Le choix de traitement et des prothèses est aussi fonction de la situation matérielle du patient. Et dans ce cas le choix de prothèses amovibles (dentiers) pour des raisons financières joue un rôle immédiat sur la qualité de l’alimentation de la personne ce qui dégrade dès lors son état de santé général. Pourtant, il est démontré que l’inclusion de ces patients dans un système d’assurance améliore l’accès aux soins et diminue les prescriptions médicales. Avoir une assurance influence ainsi positivement le recours précoce aux services dentaires.

 

Les frais de soins dentaires sont souvent largement sous-estimés par les patients. D’une part parce que ces frais sont, pour les plus importants, souvent irréguliers et imprévisibles mais surtout parce que, dans la majorité des cas, il n’y a aucun remboursement.

 

D’après l’Office fédéral de la statistique, les assurances privées n’ont remboursé que 4,6% des frais dentaires en 2010; l’assurance maladie de base (Lamal) rembourse seulement 1,4%, et les PC (prestations complémentaires) 2,2%. Presque l’essentiel des frais (89%) est donc assumé directement par les ménages. Aujourd’hui, les soins dentaires à eux seuls représentent la part la plus importante des frais de santé d’un ménage (toujours selon l’OFS). Chaque personne doit ainsi dépenser (en plus des frais d’assurances) en moyenne plus de 450 francs par année à cet effet indépendamment de son revenu.

 

L’initiative sur les soins dentaires propose de mettre en place une assurance publique cantonale couvrant les soins dentaires de base n’entrant pas dans le catalogue de prestations de la Lamal pour l’ensemble des habitants du canton de Vaud (sous réserve qu’elles-ils y résident depuis trois mois au moins). Afin de soulager les revenus moyens et faibles, et pour respecter les principes d’équité et de solidarité incombant à une assurance sociale, l’initiative demande que cette assurance soit financée d’une part par un prélèvement pour les personnes cotisant à l’AVS et, pour les autres, par la politique sanitaire cantonale. Le taux de prélèvement nécessaire pour assurer l’intégralité du financement est éstimé à un prélèvement légèrement inférieur à 1% paritaire (0.5% à la charge de l’employé et autant à la charge de l’employeur). Il permettra de couvrir l’ensemble des soins dentaires de base, y compris les frais liés à la prévention et au contrôle annuel et les soins d’orthodontie. L’inclusion d’un taux déterminé de la politique cantonale doit permettre un financement des personnes ne cotisant pas à l’AVS et certaines charges d’infrastructure. Ce mode de financement est donc analogue à celui de l’assurance maternité cantonale instituée en 2000 dans le canton de Genève.

 

Selon une enquête sur les revenus et les conditions de vie en Suisse, publiée en 2010, les personnes qui renoncent aux soins dentaires sont bien plus nombreuses que celles qui renoncent aux autres soins médicaux. Elles sont par ailleurs plus nombreuses dans la région lémanique. Il faut aussi noter qu’en 2007, 65,3% de la population a consulté un dentiste, ce qui veut dire que 35% de la population n’a pas fait son contrôle annuel.

Le dépistage fait par les communes, notamment en milieu scolaire (pourtant de moins en moins présent), n’aboutit pas à la garantie de l’exécution des soins et à leur financement. On se dirige donc vers une santé dentaire à deux vitesses ce qui force les gens à faire des choix matériellement déterminés qui, à terme, ne peuvent qu’aggraver leur état de santé. C’est cette logique que souligne le triptyque souvent cité dans les études sur la santé dentaire: «dents malades, personnes malades, population malade». L’établissement d’une telle assurance incitera les gens à faire un contrôle annuel et à aller chez le dentiste lorsqu’un problème apparaît. Cela rendra ainsi possible une meilleure prévention et à long terme un meilleur niveau de santé bucco-dentale, synonyme plus largement d’amélioration de la santé globale au sein de la population, de nombreuses maladies et leur aggravation comme le diabète étant en effet liées directement à la non prise en charge de soins dentaires. De plus, elle permettra d’intégrer dans le système de soins dentaires des gens qui restent en général en marge de ces soins. Elle facilitera l’accès aux soins dentaires pour les personnes âgées, davantage exposées à des frais résultant de problèmes de dents malades. L’initiative assurera ainsi une meilleure prévention contre l’édentement.

 

Enfin, la mise en place de policliniques dentaires régionales, comme le demande notre initiative, offrira des lieux propices à la formation des jeunes dentistes, qui pourront profiter de ce cadre pour développer leurs pratiques et leurs recherches et ainsi accumuler l’expérience nécessaire à l’exercice de leur profession.