COVID-19 : confiné au printemps, à la rue en été ?

Interpellation urgente déposée le 19.05.2020, Laura Manzoni

La crise du coronavirus a provoqué, pour une série de salarié.e.s et d’indépendant-e-s, une perte totale ou partielle de revenus et les assurances sociales a d’importantes lacunes qui imposent de grandes pertes de revenus pour une partie de ces travailleur.se.s. De plus, en raison du nombre de personnes poussées dans la précarité et de la fermeture des guichets de l’administration, certaines instances tardent à répondre aux demandes de ces personnes dans le besoin. Des besoins aussi fondamentaux que la nourriture ou le logement sont tout à coup remis en question pour une partie des habitant.e.s.

En matière de loyers, un retard de paiement, même temporaire, peut avoir de graves conséquences. Selon l’art. 257 d. du Code des obligations, le locataire d’un bail commercial ou d’habitation peut voir son bail résilié, s’il a un retard de loyer de 30 jours et être expulsé dans les 30 jours qui suivent. En l’espace de deux mois, une personne peut donc passer d’une situation stable à celle de sans domicile.

En période de coronavirus, une partie des loyers commerciaux ont fait l’objet de mesures à divers niveaux : la Ville de Lausanne a rapidement annoncé la suspension des loyers commerciaux durant le confinement et a appelé les propriétaires privés à en faire de même. Nous saluons cette décision rapide qui a permis de soulager une partie de travailleurs-se-s indépendant-e-s. Toutefois, le parc immobilier en possession de la ville de Lausanne étant limité, cela concerne une minime partie des cas. Le Canton a également prévu une aide à fond perdu pour les loyers les petits commerces (pour des baux ne dépassant pas les 3500 francs nets mensuels) et les cafés-restaurants (maximum 5’000 francs). A noter que cette aide ne s’adresse pas à d’autres branches comme les professions de la santé ou les coiffeuses-coiffeurs, lesquels partagent en souvent à plusieurs des baux très onéreux.

Les baux d’habitation ne sont pas non plus concernés par les aides mises en place, la seule mesure notable pour les habitant.e.s locataires proposée par le Conseil fédéral a été de prolonger de 30 à 90 jours le retard de paiement admis avant la résiliation du bail. Si les impacts économiques du coronavirus se sont fait ressentir dès la fin mars, cela implique que les résiliations pourraient intervenir dès fin juin.

L’association suisse des locataires (ASLOCA) a dénoncé cette problématique et a revendiqué que toutes les expulsions de locaux d’habitation ou commerciaux soient suspendues à moins que le bailleur ou les autorités cantonales proposent une alternative appropriée. L’ASLOCA appuie par ailleurs l’initiative parlementaire que C. Dandrès a déposé le 05.05.2020 au Conseil national. Celle-ci fixe que, si, dans les deux mois suivant la résiliation du contrat, le locataire s’est acquitté du paiement du loyer et des indemnités pour occupation des locaux qui étaient en suspens, le bailleur est tenu de tolérer la présence du locataire durant six mois depuis la fin du bail pour autant qu’il s’acquitte régulièrement et en temps utile de ses indemnités pour l’occupation des locaux. La résiliation est caduque et le bail remis en vigueur à l’échéance de ce délai si le locataire n’a pas connu de nouveau retard.

La Ville de Lausanne est interpellée par cet enjeu, d’une part en tant que propriétaire ou gérante d’une part du parc locatif lausannois et, d’autre part, en tant que responsable d’un dispositif social qui inclut notamment une unité logement. Toutefois, en date du 12.05.2020, la page internet du Service social annonce que ses guichets sont fermés et propose uniquement un dépôt des demandes de revenu d’insertion par correspondance, sans conseils ni coordonnées pour les personnes en difficulté pour le paiement de leur loyer.

Compte tenu de ce qui précède, nous posons à la Municipalité les questions suivantes.

1. Combien de locataires ont-ils actuellement un retard dans le paiement de leur loyer, au sein du parc immobilier de la Ville ou dans celui qu’elle a en gérance ?

2. Combien de personnes ont-elles sollicité l’Unité logement du service social en raison de retards de loyers ?

3. Ces chiffres représentent-t-ils une augmentation par rapport à la période précédant la crise du COVID-19 ?

4. Comment les Lausannois.es pouvaient-ils contacter l’Unité logement durant la période de confinement ?

5. La Municipalité a-t-elle proposé une aide spécifique pour les locataires en retard de paiement durant cette période ?

6. La Municipalité envisage-t-elle de développer une aide à fond perdu sur le modèle de celle développée par le Canton pour les baux commerciaux ?

7. La Municipalité envisage-t-elle d’appliquer, pour le parc immobilier dont elle est propriétaire ou pour celui qu’elle a en gérance, une protection contre les expulsions sur le modèle proposé par l’initiative parlementaire Dandrès ?

Nous remercions la Municipalité pour ses réponses.