Portrait de Céline Misiego, nouvelle députée

Article paru dans le Courrier du 03.12.2019

Plus discrète que tonitruante, Céline Misiego intègre le parlement vaudois ce mardi, suite à la démission de Jean-Michel Dolivo. Conseillère communale à Lausanne depuis 2017, la popiste a réussi à faire passer toutes ses interpellations. Défense des salariés, maintien des offices postaux, lutte pour l’égalité salariale, elle est de tous les combats. Rendez-vous à la rue de l’Ale, au café restaurant La Torre, fief du Parti ouvrier populaire lausannois.

Céline Misiego conservera son mandat communal, à Lausanne, où la gauche est majoritaire. Le parlement vaudois sera une toute autre paire de manche puisqu’il s’agira d’incarner une force d’opposition face à une majorité de droite. Jusqu’à ce jour, ce rôle était tenu par Jean-Michel Dolivo. Mais la popiste se sent prête à reprendre le flambeau, avec beaucoup d’humilité et de respect envers son prédécesseur. De nature réservée, Céline Misiego préfère travailler sur ses dossiers que pendre la parole en tribune. Mais cela ne lui fait pas peur. La popiste a déjà endossé des rôles importants. Elle a été secrétaire de parti pendant six ans et propulsée au moins à trois reprises comme tête de liste lors de différentes élections. «Elle n’a jamais hésité à foncer tête baissée», atteste l’ancienne conseillère nationale Marianne Huguenin. Décrite comme une «camarade loyale, tenace et courageuse» par ses collègues de parti, Céline Misiego est perçue comme une force tranquille, plus réservée qu’Anaïs Timofte, fraîchement élue à la tête du parti.

Au POP, les femmes ont toujours su s’imposer et c’est d’ailleurs ce qui a attiré Céline Misiego. «Quand Marianne Huguenin se lève et parle, tout le monde l’écoute. C’est l’une des personnes les plus respectées du parti. Son combat pour le «pacs» m’a convaincu. Je voulais travailler avec elle et toutes les autres femmes engagées du parti.» Mais son véritable mentor est Christiane Jaquet-Berger. C’est elle «qui lui a tout appris» et qui aurait dû être élue car première vienne ensuite. Mais à 82 ans, elle a préféré lui laisser sa place.

Le féminisme est la cause qui lui tient le plus à cœur. Sa première confrontation à l’inégalité entre les sexes? A l’école. «J’ai reçu une grosse claque quand on m’a expliqué qu’en grammaire le masculin l’emportait sur le féminin. J’ai compris que les femmes comptaient moins. C’était une pure injustice». Les «claques» qu’elle ressent petite se multiplie au fil des ans. La politique est cruelle, même si Céline Misiego se sent plutôt épargnée. «J’ai surtout reçu des remarques sur les affiches électorales. On me disait que je ne souriais pas assez. Personne ne se permet ce genre de remarque sur les mecs». Le ‘mansplaining’ est aussi très fréquent dans ce milieu, explique-t-elle. «On nous dit d’être plus vindicative et de ressembler aux hommes. Pourquoi est-ce aux femmes de changer? Les hommes pourraient simplement se taire….»

Au Grand Conseil, Céline Misiego entend défendre des dossiers liés à l’égalité. Un des objets qu’elle tient à faire passer coûte que coûte touche à l’éducation sexuelle. «Il n’y a pas assez d’heures dédiées à cet enseignement, sans compter que nous transmettons une vision négative de la sexualité centrée sur la contraception et les maladies.» C’est un combat qu’elle porte aussi comme citoyenne. Elle a créé en 2015 l’association Clitoris-moi pour populariser l’organe féminin auprès des jeunes. Elle milite aussi pour offrir des espaces sécurisés aux personnes queer et s’engage à la Fête du Slip aux côtés de son «épouse», terme qu’elle revendique. Etre lesbienne et en parler, même publiquement, n’a jamais été un problème. Elle s’estime d’ailleurs chanceuse car elle n’a jamais reçu d’attaque sur son orientation sexuelle. «Même les élus UDC me demandent comment va ma femme.» Mais elle déteste plus que tout se définir par son orientation sexuelle, son état civil ou le nombre d’enfants qu’elle n’a pas.

La popiste est passionnée de politique. Elle considère son boulot principal, employée de commerce au service législatif de l’Etat de Vaud, qu’elle occupe depuis 15 ans, comme «un job alimentaire». Elle y est employée à 75 % et le reste de son temps de travail, elle l’accorde au municipal lausannois David Payot, en tant que collaboratrice personnelle.

Ce lien à la chose publique, elle l’a développé grâce à sa famille. «L’actualité a été omniprésente dans nos discussions.» Elle se rendra pour la première fois au bureau de vote accompagnée de sa maman, à 18 ans. Mais Céline Misiego ne s’encartera pas avant ses 29 ans. «L’approche de la trentaine et la volonté concrète de changer des choses m’ont poussé à m’engager», explique-t-elle.

Issue d’un milieu populaire, avec une maman téléphoniste et un papa électricien, le choix du POP a été très vite fait. Aux yeux de la militante, le milieu ouvrier n’est pas suffisamment représenté dans le système politique suisse. «On dit qu’il faut plus de jeunes et plus de femmes au parlement, mais il faut aussi plus de prolétaires car nous sommes très peu représentés. La majorité de la population est non universitaire et malgré tout nous ne vivons pas la même réalité», martèle-t-elle. L’université ne l’a jamais attiré, alors qu’elle a terminé le gymnase en voie diplôme.

A 39 ans, elle est fière de la mobilisation de la jeunesse pour le climat et le féminisme. «Les jeunes ont compris que tout est politique. Du prix du billet de bus pour se rendre à l’école à l’offre culturelle. C’est réjouissant.»

Selver Kabacalman