Il faut dépasser le cadre des micro-luttes urbaines et défendre un autre modèle de développement à l’échelle de la ville : réellement démocratique, collectif et ouvert à tous.
Le 5 septembre, le POP Lausanne a présenté les résultats du sondage qu’il a réalisé auprès de la population sur le réaménagement de la Place de la Riponne. Entre mai et août, un demi-millier de personnes, lausannoises ou non, ont exprimé leur ressenti de la place dans son état actuel et donné leurs idées quant à son visage futur. Le 5 septembre, le POP Lausanne a présenté les résultats du sondage qu’il a réalisé auprès de la population sur le réaménagement de la Place de la Riponne. Entre mai et août, un demi-millier de personnes, lausannoises ou non, ont exprimé leur ressenti de la place dans son état actuel et donné leurs idées quant à son visage futur.
Du sondage ressort un désir de plus d’espaces verts et d’animation qui révèle une envie de faire revivre cette place qui ressemble à un « désert de béton » de l’aveu même de l’ancien syndic Daniel Brélaz1 . De nombreuses idées originales ou amusantes sont ressorties qu’il est possible de consulter sur la page internet dédiée au sondage2.
Cette démarche est à rapprocher de celle de militants du POP Renens. Fin 2017, ils ont mobilisé le Forum des Association de Renens autour d’un projet de maison des associations avant le processus participatif officiel. Le résultat a été positif car cette dernière est en passe de voir le jour.
Participer à la production est déjà une volonté populaire
Le succès de ces deux mobilisations s’inscrit dans une volonté grandissante de la part des habitants de prendre les devants dans l’aménagement des espaces publics de leur ville. C’est également ainsi que l’on peut interpréter la multiplication des oppositions des usagers et habitants face aux projets urbains3 , comme un désir de ne plus seulement être consommateurs mais également coproducteurs de leur ville.
C’est sous cette pression populaire que de plus en plus de processus participatifs officiels ont été inclus dans les projets urbains depuis quelques années. Si ces démarches officielles représentent une conquête des habitants face aux bureaux d’urbanisme privés et aux milieux immobiliers, elles n’offrent souvent que des choix cosmétiques dans des projets quasi bouclés. L’habitant se retrouve ainsi comme le consommateur à la Migros, devant une fausse liberté de choix entre deux produits, sans qu’il puisse influencer la façon de les produire.
Lutter contre les mégas-projets et la gentrification
L’enjeu est donc de rendre la voix des habitants décisive dès les toutes premières étapes de la conception de la ville. Le POP est à la pointe de ce combat car il fait entendre une voix populaire, celle de la majorité, travailleurs et locataires, qui sont ceux qui sont le plus touchés par les projets urbains mais qu’on n’écoute pas beaucoup. Sans cette voix, le développement urbain restera entre les mains des milieux immobiliers qui savent faire plier les municipalités et avancent à coup de mégas-projets. Ou encore entre celles de la petite bourgeoise intellectuelle, qui arrive à investir les démarches officielles afin d’obtenir des aménagements propres à ses besoins, faisant ainsi progresser la gentrification. Il est donc essentiel de défendre sur le terrain et dans le débat public un autre modèle de développement urbain qui soit réellement démocratique, collectif et ouvert à tous. En un mot : socialiste.
Dépasser les micro-luttes…
On le voit, la volonté de participer à la conception des espaces urbains a déjà germé dans l’esprit des habitants. L’enjeu actuel est de dépasser le stade des micro-luttes défensives autour de tel ou tel aménagement urbain et de les fédérer autour d’un projet revendicatif, celui d’un autre mode de production de la ville dans son ensemble. Un projet où la voix des habitants sera décisive et non plus vaguement consultative. Pour ce faire, on peut déjà esquisser des institutions nouvelles : conseils d’habitants, syndicats d’usagers, etc., qui seules pourront rendre les clés de nos villes à ceux à qui elle appartiennent réellement : les locataires et les travailleurs.
… pour conquérir enfin notre liberté d’habiter
Cela est d’autant plus important que l’enjeu de ces deux mobilisations du POP déborde de la seule question des espaces publics. Si de plus en plus de personnes désirent s’impliquer dans l’aménagement de leur quartier, c’est aussi parce que déménager n’a jamais été aussi difficile. En effet, le marché romand du logement rime depuis de nombreuses années avec pénurie. L’économie de marché a fait la preuve qu’elle est incapable de fournir des logements à prix abordables. Le marché prive donc la grande majorité des habitants d’une liberté fondamentale, celle de choisir le lieu et le cadre dans lequel ils veulent vivre.
Ainsi, pour nous qui nous sommes vus imposer notre lieu de vie, participer à la planification urbaine, autrement dit prendre en main les moyens de production de la ville est une façon de conquérir cette liberté que nous refusera toujours le marché du logement. Une véritable liberté collective d’habiter contre un faux-semblant de choix individuel.
1. Cité par 24 Heures, 17 octobre 2017 2. http://www.popvaud.ch/2018/09/05/resultats-sondage-populaire-reamenagement-de-place-de-riponne/ 3. On peut penser au référendum contre le projet de tour Taoua en 2014 ou à la centaine d’oppositions au projet de tram t1.
Paris Kyritsis