Les votations du 4 mars, les médias et la démocratie

En politique, penser le singulier et l’ensemble n’est pas toujours simple, en particulier pour évaluer la pertinence des propositions faites à la population. Une approche de la démocratie, conceptualisée par Amartya Sen, philosophe et économiste, permet de poser un regard plus large sur ces dernières. Telle qu’il la conçoit, la démocratie doit favoriser la participation citoyenne en garantissant autant que possible l’égalité. L’accès aux délibérations repose ainsi sur la réduction des inégalités, fondant un droit de participer «réel» et pas juste «formel». En outre, en son sein, la discussion publique est très importante.

À cet égard, les médias jouent un rôle central. Ceux-ci doivent être en mesure d’informer, y compris sur des réalités qui, sans investigation, passeraient inaperçues. Leur présence a ainsi une fonction de protection des groupes minorisés ou discriminés, en leur donnant la parole et en créant une interaction avec le reste de la population, et un rôle fondamental dans la formation des valeurs qui fondent la démocratie (1). À cet égard, la votation du 4 mars prochain est emblématique.

D’une part, au niveau cantonal, l’initiative sur les soins dentaires vise à ancrer la santé bucco-dentaire dans la prise en charge de la santé, en créant un accès universel aux soins dentaires. Les opposants tentent d’invalider cette proposition qui, en proposant une assurance financée par des cotisations salariales, un contrôle des coûts et un réseau de polycliniques, résout une cause majeure d’inégalité. Selon le rapport social vau- dois (2), 20% des ménages ne peuvent faire face à une dépense imprévue, ce qui laisse imaginer le choix qu’ils ont face au prix d’un traitement dentaire.

D’autre part, au niveau fédéral, l’initiative «No Billag» vise à priver les médias audiovisuels de financement public. La formation des opinions serait ainsi laissée aux chaînes privées. L’universalité de l’information est sacrifiée, privant la population de sources diversifiées, issue du travail de professionnel (le)s engagé(e)s dans un service public.

Cette votation touche ainsi à deux aspects centraux de la démocratie. D’une part, une inégalité face à la santé (l’objet soumis en votation propose de résoudre les problèmes de financement en amont tout en garantissant l’accès universel aux soins). D’autre part, le maintien d’un service public pour un accès universel à l’information. Au cours du débat qui a commencé, certains arguments font l’impasse sur les principes fondamentaux qu’elle représente pour la population. L’égalité face aux soins et à l’information devrait être garantie. Ce que demandent les initiant(e)s de la votation cantonale et les opposant(e)s à la votation fédérale.

Article paru dans le 24Heures

1) J.-M. Bonvin: La démocratie dans l’approche d’Amartya Sen,

L’économie politique (2005).
2) http.//www.publidoc.vd.ch/ guestDownload/direct/ Rapport_social_Version_en_ligne.pdf