Dans la continuité de la manifestation du 30 mai 2015, la « Coordination romande contre Prévoyance vieillesse 2020 » dénonce les mesures élaborées dans les salons du parlement pour démanteler les conditions de retraite de la plupart des salarié-e-s. Elle considère le projet présenté par la Commission de la sécurité sociale du Conseil des états (CSSS-E), qui sera débattu ces prochains jours en plénum, comme un avis de tempête sur les retraites.

La très modeste augmentation des rentes futures, que déjà la droite conteste, n’est qu’un susucre pour faire passer l’amère pilule. En effet, le cap est maintenu sur les deux points essentiels de la réforme : la hausse de l’âge de la retraite des femmes et la baisse du taux de conversion.

De même, l’abandon d’un âge-terme fixé dans la loi permettra peut-être à quelques salarié-e-s privilégié-e-s un départ anticipé à la retraite mais aura très certainement l’effet inverse pour celles et ceux qui ont un bas revenu ou un parcours professionnel irrégulier.

C’est donc clairement vers une augmentation de l’âge de la retraite pour toutes et tous que tend cette révision.

Cette série de contre-réformes fera payer les travailleuses et travailleurs, les consommatrices et consommateurs ainsi que les personnes à la retraite, pour sauver un 2e pilier en perdition, ce qui augmentera les inégalités sociales et économiques.

Le seul système de retraite fiable et solidaire est l’AVS. C’est pourquoi nous défendons l’idée que toutes nouvelles ressources lui soit attribuées, ce qui permettrait de maintenir pour toutes et tous des rentes dignes dans un des pays les plus riches du monde.

Pour toutes ces raisons, la Coordination contre PV2020, qui regroupe des partis, des syndicats, des associations de femmes et de retraité-e-s, a décidé de poursuivre son combat contre ce paquet de mesures antisociales.

 

En abordant le projet PV2020 du Conseil Fédéral durant l’été, la commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil des Etats a mis le turbo pour boucler ce premier tour de piste avant les élections nationales d’octobre. Si les ajustements proposés restent provisoires, dans l’attente des décisions du Conseil des Etats à mi-septembre (puis de la suite du processus parlementaire), ils donnent tout de même quelques indications sur l’état d’esprit des membres de la commission.

La CSSS-E a fait dans la dentelle politique pour diviser au maximum les opposant-e-s au démantèlement du système des retraites. Ainsi, les attaques frontales aux veuves avec ou sans enfant sont abandonnées (pour l’instant). Idem des atteintes aux petits indépendants. Même le mécanisme automatique de frein aux rentes en cas de déficit est sorti du paquet …tout en restant inscrit à l’ordre du jour du Conseil des Etats sous un autre numéro.

La commission a donc manifestement voulu alléger le dossier pour s’assurer de faire passer les deux éléments clefs de cette contre-réforme réclamés par la droite et le patronat : la hausse de l’âge de la retraite des femmes et la baisse du taux de conversion. L’introduction de de ces mesures serait même accélérée car si le Conseil fédéral prévoyait une entrée en vigueur de sa réforme en 2020, le projet de la commission du CE nécessiterait une introduction en 2018 déjà.

Une année de plus pour les femmes…

Le report de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans est maintenu, ce qui correspond à une augmentation brute du temps de travail. Economie estimée: 1’333 millions de francs par année. Au vu de l’accélération du rythme, l’âge de la retraite des femmes serait augmenté en quatre paliers de trois mois, sans période transitoire et en même temps que le relèvement de la TVA, soit en janvier 2018 déjà. Les femmes qui ont aujourd’hui 61 ans seraient ainsi concernées !

Peu importe si l’Office fédéral de la statistique vient de confirmer, une fois de plus, la persistance des inégalités salariales; peu importe si, en moyenne, les femmes «sortent» du marché du travail à 62,6 ans; peu importe si seulement 57% des femmes touchent une rente du 2e pilier, et si leur rente est en moyenne de 45% inférieure à celle des hommes; peu importe si cette réalité n’est pas prête de changer et si nombre de femmes touchées par la réforme des retraites n’auront jamais connu d’égalité durant leur vie active. Les vagues promesses d’égalité à venir sont considérées comme suffisantes par les membres de la commission.

… et un relèvement de l’âge programmé pour tout le monde

Cette augmentation de l’âge de départ à la retraite des femmes représente par ailleurs la levée du dernier obstacle à l’augmentation de l’âge de la retraite pour tout le monde. La substitution de la notion « d’âge-terme » de départ à la retraite par celle « d’âge de référence » prévue dans le projet initial est maintenue. Cet âge de référence pouvant aller de 62 à 70 ans, la voie vers l’augmentation généralisée de l’âge de la retraite à 66, 67 ans – ou au-delà – est déjà toute tracée, à la grande satisfaction des milieux patronaux qui ne cessent de revendiquer ce qu’ils nomment pudiquement un «relèvement progressif sans dépasser 24 mois». Les salarié-e-s les plus précarisé-e-s (McJob, temps très partiel, bas salaire, interruption de carrière…) seront tout spécialement incité-e-s à reporter leur départ à la retraite pour s’assurer une rente viable en cotisant quelques années de plus.

Un taux de conversion en baisse

L’autre objectif prioritaire de la droite, à savoir la baisse du taux de conversion de 6.8% à 6% dans le 2e pilier est également maintenu par la commission de la sécurité sociale du Conseil des Etats. Cette attaque aura pour première conséquence de réduire les rentes à venir de l’ordre de 12%. Il est également toujours prévu d’augmenter les cotisations sur une carrière en faisant payer davantage pour compenser cette perte. On payera plus, et plus longtemps. Les dispositions pour la génération transitoire sont réduites, ce qui va provoquer, de l’aveu même de la commission de la sécurité sociale du Conseil des Etats, des «lacunes dans la prévoyance».

Des cotisations en hausses

Au final, le coût total des retraites serait augmenté de 6%, alors que les rentes risquent fort de baisser. En effet, à ces mesures s’ajoute, comme le montre la récente proposition aux autorités, la baisse continuelle du taux d’intérêt qui passerait de 1,75% à 1,25% dès janvier 2016  et que les assureurs voudraient encore réduire à 0,75% ! Dans ces conditions, la pérennité des pensions du 2ème pilier est loin d’être garantie à long terme.

Les révisions à la baisse des mécanismes de la LPP ne se comptent plus depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 1985 (baisse du taux de conversion, taux d’intérêt minimal en chute libre, etc.), cela alors que le «rythme de croisière» de cette assurance ne sera atteint qu’en 2025. Les assureurs-vie privés applaudissent naturellement cette mesure qui aura pour conséquence d’augmenter les montants d’épargne forcée à la disposition des marchés financiers.

Les modestes mesures de soutien aux bas salaires supprimées

Les mesures de soutien à la retraite anticipée pour les bas salaires sont en revanche biffées du projet de la CSSS-E. Motif: «La facilitation de l’anticipation de la rente n’est pas compatible avec la stabilisation financière de l’AVS»[1]. La baisse du seuil d’entrée dans le 2e pilier n’est pas retenue, et le montant de la déduction de coordination n’est que légèrement réduit. Si nous considérions ces mesures comme insuffisantes et inadéquates, elles constituaient néanmoins le seul point de l’argumentation du Conseil Fédéral pour justifier la retraite à 65 ans pour les femmes. Or, il n’en reste rien. Les femmes sont dès lors priées de se satisfaire des vagues promesses d’une égalité qui viendra, peut-être, plus tard.

Plus généralement, tous les salarié-e-s connaissant des conditions d’emploi précaires (faible taux de travail, employeurs multiples, petits jobs…) resteront durablement exclus du 2e pilier.

Augmentation de la TVA, un impôt qui pèse plus fort sur les bas revenus

Le recours à la TVA pour amener de nouvelles recettes à l’AVS est confirmé. Or, c’est, la taxe la plus antisociale qui soit: le message du Conseil fédéral le reconnaissait d’ailleurs sans fausse honte: une augmentation de la TVA de 1% représente une hausse d’impôts de 0.6% pour les revenus inférieurs à CHF 4900 brut mensuels, mais de 0.4% seulement pour les revenus supérieurs à CHF 13’200 mensuels. La réduction du prélèvement proposé par la commission (de 1% au total contre la demande de 1,5% du Conseil fédéral) ne change rien au caractère régressif de cette taxe.

Absurdité suprême, les retraité-e-s devraient payer une part de TVA sur leur consommation pour financer leurs propres retraites.

Un contre-projet très insuffisant à AVS-Plus

Pour «compenser» tout cela, la CSSS-E propose une très/trop légère hausse de la rente AVS mensuelle de 70 francs (226 francs pour les couples au maximum) – versée uniquement aux nouveaux rentiers. Il est particulièrement choquant, que les retraité-e-s actuel-le-s, ainsi que les survivant-e-s, n’y aient pas droit – une inégalité de traitement inacceptable est une première dans l’histoire de l’AVS !–Cette volonté de ne pas revaloriser les rentes en cours entaillerait gravement l’universalité de l’AVS.

L’augmentation des rentes AVS serait couplée à une augmentation des cotisations de 0.3% partagée paritairement entre employeurs et employé-e-s. Cela représenterait une augmentation des cotisations destinées à l’AVS de l’ordre de 3.5% alors que l’augmentation prévue des cotisations destinées à la LPP serait de 12%!

Réponse indirecte à AVS-Plus – l’initiative de l’USS qui demande une hausse des rentes de 10% – cette mesure est cependant loin de répondre au mandat constitutionnel fixé à l’AVS, soit la satisfaction des besoins vitaux. En clair, c’est toujours le 2e pilier, qui compte moins de bénéficiaires, qui serait renforcé et non l’AVS, qui couvre tout le monde.

Conclusion: la commission accentue le péril sur les retraites!

Le projet, qui sera soumis au Conseil des Etats à mi-septembre, va certainement encore évoluer: sous la pression de la droite, le petit sucre pourrait rapidement fondre. La toute récente proposition au Conseil fédéral de réduire le taux d’intérêt minimal dans le 2e pilier va d’ailleurs pleinement dans le sens voulu par la droite de limiter au maximum le «coût» des retraites tout en prélevant de plus en plus de cotisations! Renflouer le 2ème pilier au détriment de l’AVS : Un calcul nocif pour tous les salarié-e-s

Pour notre coordination, le but reste le même: un véritable renforcement de l’AVS, qui commence par la défense de l’initiative AVS-Plus, et ensuite par l’attribution à l’AVS, exclusivement, des financements nécessaires au maintien et au renforcement du système des retraites.

Dès lors, la coordination romande contre Prévoyance vieillesse 2020 a décidé, jeudi 27 août, de poursuivre à long terme sa mobilisation, jusqu’au référendum si nécessaire, pour contrer le plus grand saccage des rentes jamais proposé par le gouvernement fédéral.

 

 

La coordination romande contre PV2020 :

* Union syndicale vaudoise (USV) | Union syndicale fribourgeoise (USF) | Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) | Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT) | Syna GE | Unia (VD + GE) | Syndicat des services publics (SSP VD + GE + FR + VS) | Syndicom | Syndicat du personnel des transports SEV | Parti ouvrier populaire (POP) | Les Verts GE | Jeunes socialistes VD | Parti socialiste genevois et vaudois (PSG + PSV) | La Gauche Anticapitaliste | Parti du Travail (PDT) | solidaritéS | Mouvement pour le socialisme (MPS) | Feminista | AVIVO Vaud | Marche mondiale des femmes (MMF)

[1] Résumé des décisions de la CSSS-E.