1ermaiTout le monde a déjà sifflé au moins une fois dans sa vie la chanson d’Henri Salvador, « Le travail, c’est la santé, ne rien faire c’est la conserver… » Et en plus, nous sommes certainement tous d’accord avec lui. Le travail, ça use ! Mais alors, pourquoi continuer à fêter quelque chose de si peu reluisant et pourquoi les gens de gauche s’obstinent-ils à vouloir fêter le travail tous les 1er Mai le poing levé?

Dans le fond, le travail, c’est quoi ?

Si nous abordons succinctement la notion de travail au cours de l’histoire, nous remarquons qu’à partir du XIIe siècle, le monde du travail est organisé en corporation. Chaque métier a ses codes de manière à éviter nouveauté et concurrence. Le travail organise la vie sociale et le travailleur appartient à un groupe hiérarchisé, lequel est gage de sécurité. Il n’y a aucun moyen d’échapper à sa condition sociale. On naît dans un groupe. On meurt dans un groupe.

Dès le début du XVIIIe siècle, une nouvelle conception vient se greffer sur celle du travail : la notion de richesse. Pour rappel, un aristocrate ne travaille pas. Il vit de ses rentes et il laisse cette activité dégradante aux pauvres. Tandis que de leur côté, les commerçants accumulent de belles sommes et il est temps pour eux de donner un sens à cet état de fait. Après tout, il ne devrait pas y avoir de honte à travailler et à s’enrichir. Mais comment légitimer ce changement ? Pour John Locke, le travail devient la source et la justification de la propriété privée et pour Adam Smith, le travail est la source de toute richesse. Ces deux philosophes remettent en question la notion d’hérédité et de droit divin. Seul le travail peut justifier un statut. On peut naître pauvre et mourir riche.

Si ces deux penseurs promeuvent la richesse par le travail… ils oublient de parler de ceux qui ne deviendront jamais riches. Néanmoins, les idées de Smith et Locke sont progressistes pour l’époque, car elles ouvrent la voie à un changement idéologique majeur…

 

Ce tournant idéologique est opéré par Karl Marx (lequel a lu et intégré Smith). Le philosophe allemand va plus loin que ses prédécesseurs anglo-saxons : la notion de travail est abordée en tant que telle. Marx réfléchit sur le sens du travail en tant qu’objet et non sur ses effets (richesse ou pauvreté), car il est l’endroit même où se cristallisent les conflits de la société et ses jeux de dominations sous-jacents. Le travail devient l’expression même de l’humanité. L’Homme est ce qu’il fait.

Par cette définition, l’ouvrier se différencie de l’esclave. Car, même s’il est exploité, il n’appartient plus à celui qui le domine. C’est son produit, en tant que fruit de son labeur, qui le définit. Grâce à cette explication, le regard de la société sur les ouvriers a pu changer et on a dès lors pu considérer les travailleurs avec dignité, car même pauvres, ils permettent d’enrichir la société.

Le rapprochement avec la situation d’aujourd’hui est aisé. La dignité due aux employés, ouvriers, travailleurs et salariés est toujours remise en cause, alors que ce sont eux qui créent de la richesse. Ne l’oublions pas, le travailleur ne coûte pas… il rapporte ! Nous pouvons en être fiers et nous nous devons de le proclamer dignement lors du 1er Mai : notre labeur crée de la richesse dans le canton de Vaud.

 

L’importance d’être unis.

Mais dans le fond, le travail c’est bien ou mal ? Si nous nous référons à l’éthymologie latine du mot, le tripalium est un instrument de contrainte, voire de torture. Chez Marx, l’aspect négatif est également présent, puisqu’aliénant (donner x heures par jour à un employeur signifie perdre de sa liberté, vendre son temps et son savoir-faire au lieu de l’utiliser pour soi). Toutefois, le travail peut aussi être libérateur. Pourquoi ? Non seulement pour les raisons que nous venons de nommer plus haut, mais aussi parce que, comme dit Marx, L’Homme ne devient Homme que quand il se rapporte à d’autres Hommes. Sur le lieu de travail, l’autre, c’est-à-dire le collègue, vit les mêmes choses, il est confronté au même stress, aux mêmes problèmes. En prendre conscience est essentiel, car à plusieurs nous pouvons dénoncer les dominations que nous subissons. Sortir de la spirale de la concurrence où l’autre est perçu comme un ennemi, afin de choisir ce qu’il y a de mieux pour soi et pour lui devient un enjeu primordial de la lutte des classes. La notion de bien commun ne peut émerger que lorsque nous sommes unis et que nous le montrons !

 

Participer au 1er Mai est donc un geste fort, car en fêtant le travail, nous fêtons qui nous sommes : employé des TL, maçon, enseignant, couvreur, exploitant de cinéma, enseignant spécialisé, employé de commerce, psychologue, etc. Nous montrons que nous sommes conscients d’être des rouages essentiels de l’économie et que nous devrions être considérés comme tels ! Et comme dans la vie, la fête se partage à plusieurs, de préférence avec ceux qui comprennent notre quotidien… Voilà pourquoi nous fêtons le travail. Nous sommes convaincus qu’un autre monde est possible !

 

Joaquim Manzoni

Président PoP Lausanne et Oron-Lavaux