En 2008, la dette de la Grèce représentait 112% de son PIB. Après cinq ans d’intervention de la Troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne et Fonds monétaire international) destinée à redresser ce pays, la dette a augmenté de 58 milliards d’euros et représente maintenant 177% du PIB. Ce brillant résultat a été obtenu en appliquant les dogmes de l’ultralibéralisme, dont le but est l’affaiblissement systématique de l’Etat, prélude à sa disparition. On assiste là-bas à “une expérimentation de dislocation sociale menée à grande échelle” (Le Monde Diplomatique, avril 2015).

Fin 2014, suite à l’austérité imposée par l’Europe, les Grecs ont été saignés à blanc:

– en sept ans, le pays a perdu ¼ de sa richesse nationale

– l’essentiel des plans de sauvetage n’a bénéficié qu’au secteur de la finance

– la corruption perdure, les privatisations vont bon train

– les exportations sont inférieures de 11,9% à leur niveau de 2007

– les armateurs et l’église orthodoxe ne paient toujours pas d’impôts

– le budget de l’armée a été reconduit, profitant aux industries d’armement de France et d’Allemagne

– les salaires ont été réduits de 40 à 50 %

– les retraités ont perdu 40 % de leur pouvoir d’achat

– le taux de suicides a augmenté de 35 %

– plus de 30% de la population n’a plus accès à la sécurité sociale

– le budget de la santé a été amputé des deux tiers

– la mortalité infantile a augmenté de 43%, le nombre d’enfants mort-nés de 21%

– il n’est pas rare de voir des enfants s’évanouir à l’école parce que leurs parents ne peuvent plus leur payer à manger

…la liste n’est pas close…

 

Pour peu qu’il soit sain d’esprit, qui accepterait un tel bilan, qui envisagerait de persévérer dans cette voie? C’est pourtant l’exigence de Bruxelles: les pauvres peuvent mourir, qu’importe! Il faut rembourser la dette, l’intérêt des banques passe avant tout.

Début 2015, le peuple grec élit une coalition de la gauche radicale, dont le programme vise à le tirer de l’enfer.

La réussite de ce nouveau gouvernement signifierait qu’un autre chemin existe, et sonnerait le début de la fin pour la doctrine économique dominante. L’Europe entre donc en guerre et sort l’artillerie lourde. Tous ses efforts visent à saboter l’expérience: pas question que la Grèce se libère de l’esclavage et secoue le joug de la finance. La démocratie, le respect du verdict des urnes? Il y a longtemps que ces mots ont été rayés du vocabulaire des dirigeants de Berlin ou de Paris.

Que Syriza échoue, comme le souhaitent Angela Merkel et François Hollande, les nazillons d’ “Aube dorée” se presseront pour prendre sa place. Alors on se rappellera les mots du compositeur Mikis Theodorakis: “Si vous autorisez aujourd’hui le sacrifice de la société grecque sur l’autel de la dette, ce sera bientôt votre tour… Au rythme où vont les choses les banques ramèneront le fascisme sur le continent”.

 

Michel Bühler