Il y a deux points de vue pour cette votation. La moralité, qui voudrait que chacun soit traité de façon équitable face aux impôts. Le pragmatisme, qui voudrait qu’on fasse en sorte de garder les gros contributeurs. La somme dérisoire que ces forfaitaires fiscaux payent par rapport à leur fortune et les récents chiffres montrant que les cantons qui ont aboli ces forfaits fiscaux sont bénéficiaires, prouve qu’il n’y a donc AUCUNE raison de voter NON !

 

Une question de moralité

Le forfait fiscal est une possibilité offerte aux étrangers qui souhaitent s’établir en Suisse et qui n’exercent pas d’activité lucrative dans le pays. Le montant forfaitaire calculé par
l’administration représente en règle générale cinq fois la valeur locative du logement
des bénéficiaires. On dit en règle générale, car en pratique ces montants sont négociés à l’avance avec notre Conseil d’Etat par des cabinets de conseils financiers. Pour exemple, Ingvar Kamprad, patron d’IKEA qui vivait à Epalinges (VD) et dont la fortune était estimée entre 20 et 40 milliards de francs, n’aurait pas payé plus de 200’000 frs d’impôts pas an. Comparé à leurs fortunes colossales, car on parle bien là de millionnaires et de milliardaires, je vous laisse imaginer la différence par rapport à votre imposition…

L’enjeu est également d’enrayer une spirale de concurrence fiscale internationale diminuant les ressources des États, provoquant l’endettement, la dégradation des services publics, la diminution des prestations sociales ainsi que la migration économique.

De la bouche même de notre Conseillère Fédérale Eveline Widmer-Schlumpf « … les forfaits constituent une inégalité de traitement entre contribuables suisses et étrangers, et ne répondent pas à la règle constitutionnelle d’imposition d’après leur capacité économique. ». Elle appelle pourtant à voter non, faisant totalement fi de notre Constitution. Protégeons les valeurs de notre Constitution et réparons une inégalité dont nous sommes tous victimes en votant OUI le 30 novembre.

 

Une question de pragmatisme financier

Comme toujours, une des questions principales avec ce genre de sujet est la question financière. Accepter cette votation fera-t-il perdre ou gagner de l’argent aux cantons ? Appuyons nous sur l’exemple zurichois, qui a osé franchir le pas et a aboli ses forfaits fiscaux en 2010. Certes, une partie des forfaitaires, environ la moitié, a quitté le canton mais une bonne partie est restée, payant ses impôts de façon équitable, ce qui permet de combler tout ou partie des pertes (selon les différents chiffres qui seront avancés comme lors de chaque votation). Mais il y a un autre phénomène important, TOUS les calculs (et au pire ceux qui signalent une légère perte) ne prennent pas en compte le fait que les départs sont toujours compensés par de nouvelles arrivées, des gens riches qui eux payent normalement leurs impôts. On constate à Zurich que ces « places vacantes» sont systématiquement reprises par d’autres. La planète n’étant pas extensible, les millionnaires augmentant (et oui, les pauvres aussi), on sait que TOUT l’espace helvétique d’endroits privilégiés sera comblé. Le long du lac de Zurich, ils n’étaient d’ailleurs pas les bienvenus car, pour peu d’argent, ils auraient occupé des sites convoités, et ainsi empêché la venue de bons contribuables, selon l’avis général.

Ainsi les chiffres avancés par notre Conseiller d’Etat Pascal Broulis sont mensongers car ils ne prennent pas en compte les ” remplaçants ” qui arriveraient, partant du principe que TOUS les forfaitaires fiscaux s’en iront.

Parlons justement de ces forfaitaires qui ont quitté le canton. Une bonne partie s’est exilée dans les cantons limitrophes de Zurich. Mais que feront-ils lorsqu’ils ne pourront plus profiter de ce cadeau fiscal dans toute la Suisse ? Il est bien triste de voir que certains de nos plus “éminents” politiques pensent que notre beau pays n’a rien d’autre à offrir que des cadeaux fiscaux. Ces forfaitaires qui se sont exilés dans un autre canton au lieu de quitter le pays l’ont sûrement fait pour pouvoir continuer de profiter, en plus de notre fiscalité, de toute la qualité de vie qu’offre la Suisse. De ses beaux paysages, de sa tranquillité, de sa stabilité. Plein d’avantages qui comptent, surtout lorsque l’argent n’est pas un problème.

Nous sommes donc certains qu’en cas d’acceptation du peuple d’Helvétie de supprimer cette inégalité, beaucoup de ces forfaitaires, à l’image de l’annonce faite par Tina Turner, resteront dans nos contrées et payeront enfin leurs impôts de façon équitable face au reste du peuple suisse.

Céline Misiego