Par Christiane Jaquet, députée au Grand Conseil vaudois

Assurances sociales • Recalé sur la 6ème révision bis de l’assurance-invalidité, le ministre socialiste multiplie maintenant les concessions à la droite pour faire passer sa grande réforme des retraites.

La 6ème révision bis de l’AI, qu’Alain Berset a défendue bec et ongles jusqu’à la dernière minute, a été enterrée par 110 voix contre 72 et ne méritait pas mieux. Plus question d’un sinistre frein à l’endettement, d’une rente entière qu’à partir de 80%  d’invalidité au lieu des 70% actuels et de mesures automatiques d’assainissement en cas de manque de liquidité. Un système de rentes linéaires aurait dû remplacer les échelons des rentes. Le Conseil des Etats a tenté en vain de soutenir ces nouvelles régressions. C’est la gauche et l’UDC qui permirent de mettre un frein à ces dérives mais certes pour des raisons diamétralement opposées. Ce fut déjà le cas lorsque fut ratiboisée la 11ème révision bis de l’AVS.

Au début de l’année, on annonçait que l’AI était sortie des chiffres rouges. Elle présente un excédent de 595 millions et a amorti pour 592 millions une partie de sa dette envers l’AVS. Mais à quel prix! Des limitations drastiques ont péjoré dangereusement la situation de nombre de personnes victimes de handicap. Ce sont les pouvoirs publics qui compensent la détérioration de cette assurance sociale. Les révisions répétées n’ont conduit qu’à un transfert de charges.

Cette 6ème révision bis de l’AI était la dernière étape d’une refonte commencée avec la 5ème révision. C’est ainsi que furent introduits le relèvement de la TVA de 0,4% et le principe de la détection précoce ainsi que des mesures d’intégration au travail avant de décider d’une rente. Le gouvernement n’a pas voulu attendre de voir les conséquences de ces mesures déjà très dures. De nombreuses associations avaient annoncé un référendum en cas d’acceptation de la 6ème bis, même si la réduction des rentes pour enfants avait été atténuée, comme aussi la diminution des frais de déplacement.

L’absence de consensus sur des mesures comme le frein à l’endettement dans les assurances sociales et les mesures automatiques et aveugles d’assainissement est une très bonne nouvelle. Surtout en regard de ce qui attend les retraites.

Tempête sur les retraites

Les «révélations» de la SonntagsZeitung dimanche dernier concernant le plan Berset sur les retraites n’ont pas de quoi surprendre. Le ton avait été donné dans un document fédéral daté de décembre 2012 qui annonçait une quinzaine de mesures guère réjouissantes et l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) avait déjà dévoilé la stratégie du conseiller fédéral. Sans parler des mesures d’un milliard d’économies imposées en 2014 par la Confédération. On s’attendait, par exemple, à l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, mais y ajouter encore la suppression des rentes de veuves pour les femmes sans enfants… voilà qui devrait faire réagir! Quant à la diminution du taux de conversion du 2ème pilier de 6,8% à 6%, elle est pour le moins stupéfiante, alors que le peuple avait refusé en 2010 de passer de 6,8% à 6,4% avec l’argument «non au vol des rentes».

Pour l’AI, on peut reconnaître qu’Alain Berset n’était pas l’auteur de la 6ème révision, mais bien ses prédécesseurs, dont Didier Burkhalter. En revanche, l’idée de traiter ensemble le premier et le 2ème pilier est bien celle du Fribourgeois. On pourrait y souscrire si le projet permettait d’augmenter enfin les rentes de l’AVS, afin de correspondre au mandat de la Constitution qui promet la couverture des besoins vitaux, de fortifier notre exemplaire système social et solidaire de l’AVS.

Il est possible que le Conseil fédéral prenne position face au plan Berset dans ces jours très prochains. Le projet serait alors soumis à consultation. Mais il se trouve que le Parlement paraît vouloir imposer un autre rythme. La Commission des Etats a d’ores et déjà accepté deux motions imposant le frein à l’endettement dans l’AVS, donc une limitation des rentes selon les aléas conjoncturels, voire des mesures automatiques d’assainissement sans référendum possible. La droite, qui s’oppose déjà au contreprojet à la caisse maladie publique et au processus habituel de consultation en la matière, veut aussi imposer des règles d’assainissement automatiques avant toute discussion.

Le conseiller fédéral n’a pas la tâche facile. Son souci de consensus le conduit à faire des concessions. Pour finir tout de même par se faire battre. Perdre éventuellement, mais après avoir défendu fermement des valeurs sociales et de solidarité aurait plus de panache à une telle défaite. Si défaite il y a, ce qui n’est pas certain. L’attachement populaire à l’AVS n’est pas un vain mot.

Publié dans le Gauchebdo du  21.06.2013