Sécurité du logement à la retraite

Sécurité du logement à la retraite”: le slogan est prometteur. Déception lorsqu’on regarde le contenu de l’initiative: il s’agit d’un nouveau cadeau fiscal pour les propriétaires, qui favorisera surtout les plus riches.

Une initiative des milieux immobiliers

Pour la troisième fois cette année, nous voterons sur une initiative des milieux immobiliers, et le POP appelle à leur donner un troisième “non”. Cette fois, l’idée est de s’attaquer à la valeur locative. Une fois à la retraite, chaque propriétaire pourrait décider d’abolir ou non la valeur locative de son logement. En contrepartie, il ne pourrait plus déduire ses intérêts hypothécaires, ni ses travaux d’entretien. Seule resterait possible une déduction de 4’000 francs par année en cas de travaux. Le choix d’abandonner ou non l’imposition de la valeur locative devrait être fait au moment de la retraite, et serait définitif. Pas question de changer de mode d’imposition par la suite. Pour comprendre les implications de ce système, il faut examiner comment les charges de logements sont prises en compte pour les impôts.

Le logement, un besoin secondaire selon les impôts

Pour les locataires, les impôts tiennent très peu compte du loyer: la Confédération et la plupart des cantons ne prévoient aucune déduction. Le Canton de Vaud, particulièrement “généreux”, prévoit au maximum 525 francs de déduction par mois. De plus, cette déduction dépend du revenu: par exemple, une personne seule avec plus de 52’000 francs de revenu net ne peut rien déduire. Cela veut dire qu’un locataire doit payer des impôts sur de l’argent qu’il n’a plus à disposition, puisqu’il a fallu payer le loyer.

Pourquoi une valeur locative?

Pour le propriétaire, il est possible de déduire les frais d’entretien de la maison, qu’il ait un grand ou un petit revenu : intérêts des dettes, taxes et primes d’assurance, travaux courants. En contrepartie, les propriétaires sont aussi taxés sur une valeur locative. Le principe est de compter comme un revenu imposable l’argent que le propriétaire devrait payer s’il louait son logement. Une sorte de loyer fictif est donc calculé, en fonction de divers critères (surface, année de construction, etc.). La valeur locative est plus basse que le loyer moyen en Suisse: une diminution de 10% est prévue par la Confédération, et de 35% par le Canton.

Cette valeur locative a plusieurs justifications: premièrement, elle met sur le même plan les locataires et les propriétaires. Deuxièmement, elle incite les propriétaires à habiter ou mettre en location leur propriété. En effet, même s’ils ont une résidence secondaire et qu’ils n’y habitent que deux ou trois fois par année, les propriétaires sont taxés sur la valeur locative toute l’année. Troisième utilité de ce système: les “lits froids” rapportent des impôts aux communes. Les villages alpins sont souvent composés de chalets, utilisés comme résidences secondaires. Il est normal que les propriétaires des résidences secondaires paient les routes de la commune, solidairement avec les habitants qui vivent et travaillent dans ces régions.

La propriété immobilière, une solution avantageuse pour les hauts revenus

Avec l’initiative qui est proposée, certains propriétaires pourraient obtenir des cadeaux mirobolants. Durant leur vie active, ils pourraient acheter une maison et une résidence secondaire ou même tertiaire, et déduire les intérêts hypothécaires et les travaux dans leur maison. Il est assez fréquent que ces déductions soient plus élevées que la valeur locative qui est comptée comme revenu. Une fois à la retraite, les emprunts remboursés et les travaux les plus chers terminés, ces propriétaires pourraient s’offrir une exonération fiscale pour la valeur locative de leurs résidences. Cela représente une perte fiscale de 750 millions par année, selon les estimations officielles de la Confédération.

Il y a d’autres urgences pour le logement

Les rentes sont généralement moins hautes que les salaires d’avant, et surtout, ils n’ont aucune chance d’augmenter. Pendant ce temps, les prix de l’immobilier prennent l’ascenseur, et les loyers suivent. Les barèmes de loyer des prestations complémentaires à l’AVS, eux, n’ont pas augmenté depuis 15 ans. Pourquoi ne pas enfin les adapter? Sur le plan des impôts, pourquoi ne pas proposer une réelle déduction des frais de logement, pour les propriétaires comme pour les locataires? S’ils lançaient une telle initiative, les milieux immobiliers aideraient réellement la population, et ne feraient pas de cadeaux disproportionnés aux propriétaires de résidences de luxe. En attendant, nous rejetterons l’initiative “Sécurité du logement à la retraite”, à classer avec les autres attrape-nigauds des spéculateurs fonciers.

David Payot