Il n’est pas si facile de rencontrer Olivier Forel. Son métier, qui l’oblige à de fréquents déplacements, et sa vie militante se combinent pour rendre le rendez-vous délicat à fixer. c’est pourtant un homme disponible et ouvert que nous avons interviewé, entre deux réunions de la Session de formation qu’organise chaque année le POP & Gauche en mouvement à Arzier. Cet homme dans une jeune quarantaine donne l’impression d’une énergie tranquille. Quand il s’anime, son regard d’un bleu clair renvoie à la fois à sa passion d’artiste et à la force de ses convictions.

Résistance : d’où vient votre amour de la musique ?

Olivier Forel : Je suis né à Nyon. A 13 ans, J’ai rencontré le jazz. c’est tout de suite devenu pour moi une obsession absolue, une quasi mystique. Le piano-jazz me fascinait. J’improvisais volontiers. Mais J’allais aussi au collège et mes parents s’inquiétaient, bien sûr. Néanmoins, J’ai réussi mon bac classique. Je suis parti alors pour la France où J’ai joué dans un orchestre professionnel. Cela m’a prouvé que mon choix était viable. Repartant à zéro, J’ai vécu quinze ans à Bienne, puis à Neuchâtel. Aujourd’hui, 80% de mon activité se déroule dans le canton de Vaud. Le problème d’un musicien comme moi, qui suis un artisan, c’est naturellement de gagner sa vie par son art. Très longtemps, J’ai eu peu de concerts, donc peu d’argent. Au début, J’ai travaillé seul, pour des congrès, des mariages par exemple. J’avais le statut d’un petit indépendant.

Il y a eu des étapes dans votre parcours…

Et même des ruptures ! Une de celles-ci, à 26 ou 27 ans, a été de me tourner vers l’accordéon. J’ai cherché à rencontrer un vrai public. Non pas des bourgeois en goguette, mais des gens pour qui la mode n’est pas déterminante. Depuis, J’ai eu l’occasion de me produire sur scène, de redevenir un musicien créatif. J’accompagne et j’ai accompagné plusieurs chanteurs : Giorgio Conte, Michel Bühler, Pascal Rinaldi, entre autres. En même temps, J’ai développé un répertoire propre, avec mes compositions. J’ai cherché une nouvelle approche instrumentale : la façon de jouer importe davantage que le matériel à disposition. Parallèlement à mon engagement politique, j’ai entamé une seconde étape importante. J’ai toujours été imprégné de musique populaire, comme la valse ou le tango. Or, la recherche est primordiale pour tout créateur. l’arrière-plan culturel est essentiel. Cela m’a amené à multiplier les échanges avec des musiciens du monde entier.

Vous voyagez donc beaucoup ?

Je suis parti un mois au Japon, où le hasard m’a fait rencontrer un compositeur. Cela m’a permis de jouer à Tokyo, deux fois par semaine, dans un restaurant branché. Je me rends souvent dans les pays de la couronne tropicale : l’Indonésie, Madagascar, le Burkina, l’Afrique centrale ou du Nord. Chaque fois, J’essaie de créer l’événement, en m’affirmant en tant qu’artisan face au « show-biz ». c’est parfois « une vie de bâtons de chaise », comme on dit. Ma compagne Eliane, (nous formons un couple depuis vingt ans) me permet d’équilibrer une telle existence. En juin-juillet prochains, je ferai une tournée en Suisse avec un ami guitariste brésilien Felipe Azevedo, rencontré au 1er Forum de Porto Alegre. Nos contacts se sont poursuivis au 2e Forum et J’ai envisagé d’enregistrer un disque avec lui. Ce disque de musique instrumentale, guitare et accordéon, intitulé « Identidades », vient de sortir grâce à l’appui culturel de Lausanne et de Porto Alegre

Nos lecteurs peuvent se procurer le disque à la Librairie populaire (CP 1000 Lausanne 9) ou par e-mail chez olivier.forel@bluewin.ch – Merci !


Pouvez-vous nous parler maintenant de votre activité politique ?

Je suis un député du POP au Grand Conseil, un petit député de base… Opposé au néo-libéralisme, J’estime qu’il est indispensable d’occuper le terrain des institutions. c’est important, notamment dans une période de régression sociale comme la nôtre. Beaucoup se posent la question : « A quoi sert de militer ? » Je ne suis pas un optimiste viscéral, mais râler tout seul dans son coin ne mène à rien. c’est la chute de Salvador Allende, au Chili, en 1973 qui m’a convaincu. Il a été victime de Pinochet et des Américains, qui n’acceptaient pas sa ligne authentiquement socialiste et démocratique. Je suis de la génération qui n’a pas connu Stalingrad. Mes motivations par rapport au « grand frère » n’étaient plus les mêmes. d’autre part, je n’ai jamais eu de sympathie pour le gauchisme et J’estime que l’écologie, qu’il faut, bien sûr, prendre en compte, ne saurait constituer à elle seule un programme politique. D’où mon engagement au POP et Gauche en mouvement.

Quel est votre activité au Grand Conseil ?

Elu en 1997, J’en suis à ma deuxième législature. Je suis membre de la Commission des affaires extérieures. Disposant d’une certaine liberté professionnelle, J’ai la chance de pouvoir participer souvent à d’autres commissions. J’ai déposé un postulat demandant que soit établi un rapport sanitaire sur la situation des hommes et des femmes du 3e âge. J’ai encore proposé que, comme la ville de Lausanne, le canton favorise le Forum mondial de Porto Alegre, mais la droite n’a pas suivi… Depuis peu, je suis membre de la Commission des grâces. Nous avons procédé à l’audition d’un homme qui y a été amené les chaînes aux chevilles ! Je pense que le travail politique du POP est au c½ur de nos préoccupations d’hommes libres. En face, les forces conservatrices sont, pour l’instant, les plus nombreuses et les mieux organisées. Mais elles ne sont pas toujours aussi compétentes qu’on le croit. Dans le combat, les forces sociales de progrès ont pour elles leur diversité. Toutes sont utiles. Ainsi, l’artisan de la musique que je suis essaie d’½uvrer dans son domaine. La politique, tout comme la musique, se vit chaque jour.

Propos recueillis par Michel Buenzod