L’initiative fédérale pour l’abolition des forfaits fiscaux a été déposée. L’objectif est clair : abolition des privilèges et justice fiscale !

Le 19 avril 2011, une coalition de la gauche combative suisse (POP & Gauche en mouvement, solidaritéS, Linke Alternative, La Gauche, ATTAC, …) rejointe plus tard par le PS, Unia et l’USS, lançait une initiative fédérale pour faire abolir le régime des forfaits fiscaux sur l’ensemble du pays. Un an et demi plus tard, l’objectif a été atteint, et le texte déposé à la Chancellerie, muni de 103’000 paraphes. Le POP & Gauche en mouvement se réjouit particulièrement de ce premier succès. En 2010, notre parti avait lancé la même initiative au niveau cantonal, mais avait échoué de peu à la déposer : il nous avait manqué 200 signatures ! Si nous voulions porter le débat en terre vaudoise, il nous est toujours apparu que ce problème ne pouvait être réglé qu’au niveau fédéral, afin d’éviter une concurrence malsaine entre cantons permettant ou interdisant ce régime.

Le 4 août 1789, l’assemble constituante mettait fin, en France, au régime féodal. Les révolutionnaires venaient de déclarer la fin des privilèges : désormais, chacun allait être jugé selon le même droit : l’universalité de la Loi était proclamée. La Suisse doit désormais faire sa nuit du 4 août. Elle a d’ailleurs commencé le travail, petit à petit : en 2009, le canton de Zürich abolissait cette disposition, suivi par d’autres confédérés. Les deux Bâle, Schaffhouse et Appenzell Rhodes-Extérieures ont ensuite voté cette réforme. N’est-il pas réjouissant de constater que la Suisse allemande, pourtant perçue comme plus conservatrice, a su se montrer novatrice et progressiste sur cet objet ? Soulignons qu’à Zürich, ce sont également des voix de droite qui se sont exprimées contre ce système unique : voilà qui est de bon augure. Ne crions toutefois pas victoire trop rapidement : le canton de Berne a récemment refusé leur suppression, tout comme Saint-Gall, Thurgovie et Lucerne. Par ailleurs, les forfaits fiscaux sont avant tout une spécificité romande, et c’est bien dans les cantons de Vaud et Genève que la bataille risque d’être particulièrement difficile, ceux-ci encaissant plus de la moitié des recettes annuelles suisses des forfaits fiscaux. Du coté de la droite majoritaire au parlement, l’inquiétude est palpable: les chambres se sont récemment prononcées pour un certain durcissement des conditions d’octroi, une mesurette destinée à rendre le système plus acceptable aux yeux du peuple.

Des contribuables plus égaux que les autres

Nous reprochons au système des forfaits fiscaux de créer deux catégories de contribuables : d’un côté, l’immense majorité des citoyens, artisans, salariés, patrons de PME, commerçants qui, parce qu’ils sont suisses, doivent payer leurs impôts régulièrement, et de l’autre une poignée de millionnaires et milliardaires pouvant s’acquitter d’une contribution symbolique. Or l’égalité devant l’impôt, tout comme l’égalité devant la loi, est au fondement de notre Etat de droit. Un chiffre nous semble particulièrement parlant : un contribuable suisse possédant une fortune de 100’000 francs, imposé aux mêmes conditions que le créateur d’Ikea Ingvar Kamprad, paierait, sur un an, 50 centimes d’impôt.

Nous reprochons également à ce système de générer une cynique industrie de la délocalisation fiscale : une kyrielle d’avocats et autres fiduciaires sont désormais spécialisés dans cette activité, faisant commerce de la soustraction de revenus fiscaux à d’autres Etats. Pensons-nous réellement pouvoir tenir longtemps cette position, alors que nos voisins cherchent à tout prix à augmenter leurs recettes ? Il n’est pas certain que cette captation de rentrées fiscales soit vraiment dans l’intérêt de notre pays.

Déjà, les privilégiés montent aux barricades, et menacent de quitter la Suisse si notre initiative était votée. Ne craignons pas cette situation : certes, une partie des grosses fortunes étrangères quitteraient leur cossu domicile fiscal helvétique… Mais l’expérience zurichoise nous apprend que l’opération est tout de même rentable pour les caisses publiques, le manque à gagner étant plus que compensé par la fiscalisation régulière de ceux qui restent. Même sans ce régime, la Suisse reste fiscalement intéressante en comparaison internationale. De toute évidence, la suppression des forfaits fiscaux engendrerait de nouvelles recettes, dont le montant reste il est vrai difficilement estimable.

Engagez-vous !

Un comité de campagne vaudois sera constitué : toutes les bonnes volontés sont bienvenues. Vous avez envie de vous engager ? Envie d’écrire, de distribuer des informations, de convaincre ? Le POP & Gauche en mouvement se réjouit de vous rencontrer !

Julien Sansonnens

Crédit photo : Réforme des droits féodaux, 1789