Pédiatre à Aigle, Bernard Borel est un militant passionné dont le combat politique est né entre autres en Amérique latine, où il a vécu et travaillé durant de nombreuses années. De ce passé coloré, il a gardé l’esprit de la mobilisation : en faveur de la santé, de projets locaux mais également contre la guerre en Irak. Et lorsqu’on lui parle des jeunes descendus dans les rues de Lausanne ou de Berne, il ne peut cacher son enthousiasme devant ces mouvements sans précédents.

Résistance : Quelles ont été les raisons, ou les convictions ou encore le parcours de vie qui t?ont amené à l’engagement politique au sein de POP&Gauche en Mouvement ?

Bernard Borel : J’ai travaillé plusieurs années en tant que médecin au Nicaragua. A cette époque et dans le contexte du régime politique (le pays était dirigé par les Sandinistes), le simple fait d’y exercer mon métier était déjà un engagement politique en soi. J’ai effectué ensuite deux ans en Suisse où des amis, membres déjà du POP m’ont encouragé à m’inscrire en tant que membre de Gauche en Mouvement dans le canton de Fribourg sur la liste de candidatures pour le Conseil national. Plus tard, de retour en Suisse, c’est en poursuivant une logique militante que je décide de rejoindre à Aigle le POP en 1999. s’il n’y a pas de section dans le Chablais, nous tenons des réunions régulièrement.

Mon engagement politique aujourd’hui tient d’un constat global alarmant : l’individualisme a pris dans notre société une place prédominante, et ce phénomène se traduit dans la réalité au travers de cette tendance à diminuer et affaiblir toujours plus l’Etat, alors qu’il demeure pourtant le seul garant d’une juste répartition des richesses d’un pays. Depuis une dizaine d’année et malgré des périodes de croissance, on assiste à une augmentation de la précarité sociale, à une dégradation des conditions de travail et à l’abandon finalement des gens les plus démunis. On constate que le filet social s’est effondré, et un exemple dans le domaine de la santé l’illustre très bien : le doublement, ces dernières années, des personnes bénéficiaires d’une rente AI et l’augmentation des causes psychosociales de ce doublement. c’est pourquoi je pense qu’il faut défendre le service public et notamment le secteur de la santé, avec par exemple la proposition de caisse maladie unique qui remplacerait le leurre actuel qu’est la soi-disant concurrence entre assurances. l’Etat devrait également mettre en place ou améliorer dans les cas existants, des structures de crèches pour enfants.

Dans ta vie de médecin, comment mets-tu en acte cet engagement pour l’amélioration du service public ?

Dans mon domaine et dans une approche d’une pédiatrie sociale et communautaire, nous avons en place depuis quatre ans des réseaux liant tous les professionnels de la santé. Ainsi nous avons mis en place le réseau mère-enfant où des professionnels, qui ont suivi des mères avant et pendant l’accouchement, ainsi que des parents se réunissent afin de développer des synergies et d’améliorer le suivi des familles. Ce suivi permet par exemple de détecter des problèmes psychosociaux prénatals. Un groupe au niveau du Chablais relie Pro Familia, gynécologues, sages-femmes, puéricultrices et pédo-psychiâtres qui se mettent d’accord sur des « guide-lines » à adopter. Bien que des structures du même type soient déjà en place dans le canton de Vaud, il s’agit d’une expérience pilote pour la région, financée par la Fédération des soins du Chablais.

Parlons d’une actualité incontournable, la guerre en Irak. Quel regard portes-tu sur les mouvements de mobilisation anti-guerre qui ont pris place en Suisse ?

Je suis lié historiquement avec des mouvements sociaux tel qu’Attac ou anti-OMC,.. J’ai par ailleurs une certaine pratique de la manifestation. Ce que je trouve extraordinaire dans les mobilisations qui ont eu lieu dernièrement en Suisse, c’est le rôle moteur qu’ont joué les étudiants et les jeunes en général. Et cela même à la manifestation nationale à Berne (21 mars) où les leaders étaient des jeunes. Ceci est très formateur dans une société marquée par l’individualisme : cela nous apprend que les jeunes se mobilisent – lorsqu’une guerre comme celle-là est déclarée ? pour des idéaux qui demeurent des idéaux de paix et de vie en communauté. Ces mobilisations massives des jeunes s’opèrent lors d’enjeux spécifiques (guerre en Irak, manifestation contre l’OMC, Taxe Tobin) et non pas sur la base d’un engagement politique partisan.

Le travail des personnes de ma génération engagées politiquement est de faire le lien entre ces jeunes et les institutions politiques dans lesquelles la représentation se fait sur des bases de reconnaissance sociale. La jeunesse n’arrivant pas à se faire entendre dans les circuits politiques traditionnels, elle s’engage davantage dans des mouvements associatifs plus ciblés qu’un parti politique. Notre tâche est de relayer leur voix dans ces circuits et jouer un rôle d’intermédiaire. Nous devons également favoriser la prise de responsabilités des jeunes dans les partis lorsqu’ils désirent prendre part.

Pour terminer, un dernier mot sur le sommet du G8 à Evian qui sera un nouveau rendez-vous pour tous les opposants à la mondialisation néo-libérale. qu’attends-tu de la mobilisation à venir ?

Tout d’abord J’espère que des manifestations puissent largement prendre place durant ce sommet. Puisque le G8 est une tribune, nous devons également l’utiliser pour dénoncer la mondialisation hégémonique des pays riches. Dans notre époque où le visuel a un impact très importante, je pense que les feux autour du lac auront une grande portée symbolique.

Propos recueillis par Frédéric Mamaïs